Six établissements gérés par l’agence de l’ONU : UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) ont été fermés sur décision israélienne.
Depuis le 7 octobre 2023, la guerre à Gaza a également des répercussions dramatiques en Cisjordanie où se déroulent de nombreuses exactions armées.
La limitation de la liberté de déplacement, la confiscation de terres, la destruction d’infrastructures et la chute du tourisme ont engendré une grave crise économique. Par la force des choses, de nombreuses familles palestiniennes ont perdu la possibilité de travailler et connaissent des difficultés sociales importantes.
Église évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre sainte (ELCJHL – dont le site internet est ICI) accueille en Cisjordanie 1.250 élèves dans ses 3 écoles principales, qui sont à la fois des lieux d’enseignement et de promotion de la paix.
De nombreuses familles n’ont plus les moyens d’assumer les frais de scolarité.
L’Église luthérienne continue d’accueillir leurs enfants, comptant sur notre soutien pour être en capacité de poursuivre sa mission éducative.
Comme les autres parents d’élèves, Feras, boulanger, ne donne pas son nom, par crainte d’être ensuite menacé par les services de sécurité israéliens pour avoir parlé à la presse. Sa fille de 13 ans n’a pas effectué sa rentrée scolaire, lundi 1er septembre. Comme 300 enfants du camp de réfugiés de Chouafat, où sont entassées plus de 30 000 personnes entre les hauts murs de l’enceinte en béton qui sépare le quartier du reste de Jérusalem-Est, occupé illégalement par Israël depuis 1967. « J’ai cherché, mais je n’ai pas trouvé de place », se désole le père de famille, installé dans une des ruelles de l’enclave.
Ce lundi aurait dû être une journée banale de rentrée scolaire, comme pour plus de 2 millions d’élèves en Israël et dans les territoires annexés de Jérusalem-Est. Mais six écoles gérées par l’agence des Nations unies pour les territoires occupés (UNRWA) sont restées portes closes à Jérusalem-Est, dont trois dans le camp de réfugiés de Chouafat, une poche de pauvreté, et désormais de criminalité, délaissée par Israël depuis des années. « Beaucoup de parents m’ont prié de prendre leurs enfants. Je voudrais bien, mais je n’ai pas assez de place », regrette la directrice d’une école en faisant écouter un message tout juste enregistré sur sa boîte vocale : « C’est une mère qui appelle à l’aide. » A l’échelle de Jérusalem, ils seraient ainsi 600 sans affectation, selon les ONG, amplifiant l’absentéisme, plus élevé que dans le reste de la ville, mieux dotée sur le plan scolaire.
La fermeture des écoles remonte au mois de mai. Des militaires israéliens avaient effectué un « raid » pour venir fermer toutes les écoles de l’UNRWA à Jérusalem-Est. Les autorités expliquaient alors appliquer une loi votée en 2024 interdisant toute activité de l’agence des Nations unies sur le sol israélien, une mesure de rétorsion décidée après le 7 octobre 2023 au motif, selon Israël, que des employés de l’UNRWA avaient été impliqués dans l’attaque terroriste lancée par le Hamas depuis Gaza – ce que l’agence a démenti, après enquête, en dehors d’une poignée d’individus.
Des recours ont été déposés, notamment par l’Association des droits civiques d’Israël (ACRI), contre la décision de fermeture des écoles, sans résultat pour l’instant. La Cour suprême devrait se prononcer le 16 septembre. Interrogée, la municipalité de Jérusalem explique avoir encouragé les inscriptions en amont et insiste sur le fait que « chaque étudiant qui a réclamé une place dans une école municipale a reçu une réponse ». L’engagement laisse dubitatives les associations et les Nations unies qui constatent, sur le terrain, le décrochage de nombreux enfants et des conditions d’enseignement particulièrement dégradées au sein de plusieurs écoles. « Lorsque nous avions écrit à la municipalité et au ministère de l’éducation, ils nous avaient garanti qu’ils avaient une solution pour chaque enfant. Cela n’a pas été le cas », souligne Tal Hassin, au nom de l’ACRI.
Une partie des familles refusent de scolariser leurs jeunes enfants à l’extérieur du camp parce que cela supposerait de franchir, deux fois par jour, un checkpoint tenu par des militaires israéliens. « Il s’avère que pour beaucoup de ces enfants, il n’y a pas vraiment d’alternative à nos écoles, en particulier dans le camp de Chouafat, relève Roland Friedrich, directeur de l’UNRWA pour la Cisjordanie. La municipalité, dès l’année dernière, a fait beaucoup d’annonces concernant la mise à disposition de places dans des écoles alternatives, l’octroi de budgets, la mise en place de moyens de transport. Nous n’avons encore rien vu de tout cela. »
« Ils veulent nous effacer »
Les ONG replacent la fermeture des écoles de l’UNRWA dans un contexte plus large. L’association israélienne Ir Amim, qui effectue un travail reconnu sur Jérusalem, insiste sur la stratégie agressive des autorités en matière scolaire. « Israël fait beaucoup d’efforts pour que les enfants suivent un programme israélien, y compris les écoliers palestiniens. Toute nouvelle école ouverte par l’Etat n’est destinée qu’au programme scolaire israélien, relève Oshrat Maimon, directrice juridique d’Ir Amim. Cette politique oblige les parents, les élèves et les enseignants palestiniens à choisir entre continuer à subir de graves pénuries dans les salles de classe, la surpopulation et la vétusté des installations, ou abandonner le programme scolaire palestinien, qui est ancré dans leur identité nationale et leur patrimoine culturel. »
Dans le petit groupe de parents et d’habitants qui discutent autour du boulanger, un professeur de mathématiques, diplômé de l’école de l’UNRWA trente-cinq ans plus tôt, s’inquiète à l’idée que les enfants des réfugiés perdent ainsi une part de leur culture : « Ils s’en prennent à l’UNRWA, mais c’est plus profond que ça : ils ne veulent plus des réfugiés, ils veulent nous faire disparaître, ils veulent nous effacer en tant que Palestiniens et réfugiés », relève l’enseignant. Un sexagénaire, électricien, abonde : « Conserver l’UNRWA, c’est montrer que les réfugiés sont toujours là. S’ils pouvaient même effacer le mot, ils le feraient. Alors, ils font partir l’UNRWA, ils réduisent l’instruction de nos enfants ou nous obligent à leur faire suivre leur programme. »
Luc Bronner du Monde, septembre 2025
