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La résurrection de Jésus-Christ ne relève pas du surnaturel spectaculaire, mais de l’événement de la foi : tel est le cœur de l’interprétation que propose Gerhard Ebeling. Contre les lectures littéralistes qui cherchent à sauver la foi à coups de tombeaux vides, cette théologie affirme que la résurrection se donne dans la parole, dans la rencontre actuelle avec le Christ Vivant. Une parole qui ne prouve rien, mais qui transforme tout.
Quand la foi ne cherche plus des preuves
Depuis des siècles, une partie du christianisme se croit tenue de défendre la résurrection comme un fait objectif, un miracle historique. Des théologiens, des prédicateurs, et même des fidèles laïcs s’épuisent à expliquer comment le cadavre de Jésus a quitté son tombeau, comment les apparitions du Ressuscité seraient crédibles, comment la foi se fonderait sur la certitude d’un événement passé. Mais le besoin de preuves est souvent le symptôme d’une foi affaiblie.
Gerhard Ebeling, grand théologien protestant du XXe siècle, élève une voix claire contre cette idolâtrie de l’événement. Pour lui, la résurrection n’est pas un fait à croire, mais une parole à accueillir. Elle ne se trouve ni dans les pierres roulées, ni dans les récits d’apparitions, mais dans l’annonce de l’Évangile, dans cet aujourd’hui de la foi où le Crucifié devient pour nous le Vivant.
La résurrection comme événement herméneutique
Ebeling ne nie pas la résurrection : il en déplace le lieu et le sens. Il affirme que la résurrection de Jésus est un événement de parole, c’est-à-dire un acte de communication qui a lieu lorsque la prédication touche une vie, qu’elle ouvre un avenir, qu’elle suscite la confiance. Le Ressuscité, c’est le Christ prêché – celui que la parole rend vivant dans le cœur de celui qui l’écoute.
Ainsi, la foi en la résurrection n’est pas croyance en un fait passé, mais expérience d’un événement actuel : Dieu dit « oui » à l’homme crucifié, et ce « oui » résonne aujourd’hui encore dans la justification du pécheur, dans la liberté retrouvée, dans l’espérance plus forte que la mort.
Contre les pièges du fondamentalisme chrétien
Les lectures fondamentalistes font de la résurrection une condition d’admission dans le cercle des croyants. Elles posent : « Croyez que le tombeau était vide, ou quittez l’Église ! » Ce faisant, elles réduisent la foi à une adhésion mentale à un récit mythique, et la coupent de sa puissance existentielle.
Mais la résurrection ne demande pas d’être crue comme un fait de chronologie, elle appelle à être vécue comme un acte de foi, un passage de la peur à la confiance, du repli à la liberté. Ce n’est pas la véracité d’un miracle qui fonde l’Église, mais la puissance d’une parole qui relève.
Une parole qui fait vivre
Ebeling, disciple critique de Bultmann, reste fidèle à l’intuition de Luther : c’est dans la parole que Dieu se donne. Ce qui fait vivre, ce n’est pas une preuve archéologique, c’est l’expérience d’être justifié, aimé, relevé. Le croyant ressuscité, c’est celui qui, entendant l’Évangile, se tient debout malgré tout.
La foi en la résurrection, ce n’est pas croire que Jésus est sorti du tombeau, mais croire que Dieu a confirmé la vie de Jésus jusqu’au bout, et qu’en lui, une parole de vie est adressée à chacun de nous.
CONCLUSION :
Ne cherchons pas à sauver la foi en la ressuscitant avec des preuves. Car la foi ne se démontre pas : elle s’éprouve.
La résurrection n’est pas un miracle du passé : c’est la parole présente qui nous remet debout. Elle ne prouve pas que Dieu existe, elle crée une vie nouvelle, une liberté, un avenir. Et c’est là, dans ce bouleversement intérieur, que le Christ se donne comme Vivant.
Gerhard EBELING (né le 6 juillet 1912 à Berlin et mort le 30 septembre 2001 à Zurich) est un philosophe et théologien luthérien allemand, disciple de Rudolf Bultmann. Avec Ernst Fuchs (autre élève de Bultmann), Ebeling influence toute la « théologie herméneutique » du xxe siècle. Professeur de théologie à l'université de Tübingen et à l'université de Zurich, il fait partie de la mouvance des Quêtes du Jésus historique.
Par Michel LECONTE, théologien et psychologue clinicien, juin 2025
Autour de notre fête nationale, la « fraternité » dans la Bible nous questionne : nos deux premiers frères sont Caïn et Abel. À leur propos, un enfant écrit une lettre à Dieu : « Cher Dieu. Peut-être que Caïn n’aurait pas tué Abel s’ils avaient eu chacun leur chambre. Avec mon frère, ça marche » (Jules, Lettres à Dieu, Bayard, 1998, page 48 cité in Anne-Laure Zwilling : Frères et sœurs dans la Bible, Cerf, 2010)
Autrement dit : peut-on avoir un frère sans avoir envie de le tuer ? Les récits bibliques de frères n’ont rien de paisible mais abordent cette relation par leur face obscure : Ésaü et Jacob, Joseph et ses frères … on y trouve de l’envie, de la rivalité voire de la haine.
Dès l’« origine » les deux frères sont proches et différents : Caïn est l’aîné, Abel le cadet, Caïn est désiré, accueilli, il a sa place dans la parole de sa mère, Abel non ! Caïn a une généalogie, il est situé par rapport à Dieu, Abel non ! Le nom Caïn vient du verbe acquérir, il a été acquis, il a de la valeur ! Le nom Abel veut dire fumée, vapeur. Il s’évapore, il ne vaut rien !
Genèse 4 raconte ainsi que les gens naissent dans un contexte avec des places et des attentes déjà posées, des inégalités de naissance, de famille et de société. Mais que faisons-nous de cette inégalité ? Pourquoi, dans le début du récit, Caïn le privilégié et Abel le défavorisé ne réagissent-il pas ? Et pourquoi quand Abel devient « privilégié » ne réagit-il pas ? L’éternel second victime silencieux devient le premier toujours silencieux ! Ayant perdu en statut, Genèse 4 ne dit pas comment Caïn aurait pu réagir bien, mais montre l’impasse de Caïn, pour que le lecteur n’y aille pas.
Et Dieu, l’instance de référence, l’autorité ? Serait-il comme nous avec des préférences, carnivore plus que végétarien ? Ou bien Dieu ferait de la discrimination positive : comme Caïn a la première place et toutes les faveurs et qu’Abel n’est « rien », Dieu compense cette inégalité en donnant une reconnaissance au cadet Abel ; le Dieu biblique porte souvent un regard favorable sur celles et ceux qui sont « petits » aux yeux du monde ! Une autre interprétation serait : Dieu teste les humains, il expérimente : Caïn est-il capable de ne plus être le grand premier ? Que cela fait-il si on inverse les rôles ? Et comment le lecteur – vous, moi – va-t-il réagir, comprendre, interpréter ? Et ce qui ne s’exprime pas par la parole va s’imprimer dans le corps.
Puis Dieu intervient comme un tiers qui avertit Caïn que cette inégalité vécue comme une injustice peut se transformer en colère et en violence « comme une bête tapie qui va prendre le dessus sur toi ». Les problèmes sont posés sans que des solutions soient proposées.
Le récit ne s’arrête pas au meurtre. Dieu conduit Caïn à reconnaître sa faute et va lui permettre de vivre avec ce souvenir du frère assassiné. Abel absent restera pour toujours présent et sera la condition de l’humanité de Caïn : l’histoire du frère survivant est l’histoire du frère mort. Et Dieu donne le signe qui rappellera le frère absent mais qui dira aussi la présence de Dieu auprès de Caïn pour l’avenir.
Dans la famille biblique, comme dans nos familles humaines, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. La Bible n’est pas un manuel de bonnes paroles pour enfants sages, mais des récits qui placent notre histoire, celles aussi tragique et sombre que Genèse 4, sous le regard de Dieu.
Les récits bibliques disent les difficultés, permettent alors de mieux voir et donc d’avancer ; ils évoquent une relation fraternelle en devenir, en possible, et avertissent sur les impasses, comme se débarrasser de celui qui me gênerait.
Fraternité… que des hommes en rivalité et en mal de faire de la place à autre que soi-même. Et les sœurs ? Le récit de Léa et Rachel (Genèse 29-31) montre qu’elles sont d’abord filles de, épouses de, maman de…: dans cette rivalité sociale, patriarcale, les deux sœurs arriveront à construire un espace de négociation qui donnera à chacune de construire un avenir propre. Mais ce serait un autre édito.
Après la lettre de Jules, voici celle de Matthieu : « Cher Dieu. Je pense que ça doit être dur pour toi d’aimer les gens du monde entier. On est quatre dans la famille, et je n’y arrive pas » (op. cit. p. 48).
Pour écouter le message entier : c’est ICI (Culte UEPAL à l'occasion de la Fête nationale).
Pierre Magne de la Croix : Pasteur, vice-président de l’Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine, président de l'Église protestante réformée d'Alsace et de Lorraine.
L'Assemblée de l'UEPAL s'est réunie les 28 et 29 juin 2025 à Oberbronn : Les caps pour 2025-2035.
Les membres de l’Assemblée ont pris connaissance de la synthèse de la vaste consultation initiée l’automne dernier, en vue d’établir une feuille de route des orientations stratégiques de l’UEPAL (les caps) pour les dix années à venir.
Cette synthèse fait remonter avant tout la joie du terrain d’avoir été consulté. Les acteurs d’Église se sentent valorisés. Ce travail d’élaboration collaborative a été unanimement salué.
Le cap intitulé « Vivre l’essentiel » est arrivé très largement en tête. Notre boussole est Jésus le Christ, source de notre espérance, de notre témoignage, de notre joie et de notre engagement. De là découle tout le reste.
Les trois priorités qui se dégagent :
- La place des jeunes,
- Une Église engagée pour la préservation de la planète et le service des plus vulnérables,
- Le vivre ensemble (dimension œcuménique, interreligieuse, universelle, ouverture et collaboration avec la société civile).
Le tout dans une perspective de changement – qui concrètement nécessite accompagnement, formation, mutualisation et soutien.
Démarche portée par la volonté de savoir mieux communiquer et la volonté affichée et assumée d’être courageux.
L’assemblée a travaillé sur les suites à donner aux souhaits exprimés. La prochaine Assemblée de l‘Union, qui se tiendra en novembre 2025, approuvera le document de travail qui fixera les caps de l’UEPAL pour 2025-2035.
Retrouvez en ligne :
- Présentation des résultats de la consultation : ICI,
- Document de synthèse de la consultation : ICI,
- Analyse des résultats : ICI,
- Bilan des Orientations stratégiques 2014-2024, présenté à l’Assemblée de l’Union de novembre 2024 : ICI,
- Appel à contribution lancé en novembre 2024 : ICI,
- Message de la Présidente du Conseil de l’UEPAL à l’Assemblée de l’UEPAL de juin 2025 : ICI.
Le 27 mai dernier, les députés ont adopté en première lecture (ce qui ne clôt pas le travail parlementaire puisque le Sénat intervient ensuite) une loi créant une « aide à mourir ». Toutes les religions, sans exception, adoptent une posture réfractaire à la proposition de loi sur l'aide à mourir. Le pasteur François Clavairoly, qui a participé à un ouvrage collectif (« Les religions et la fin de vie » - 2023), aborde la loi avec "plus d'ouverture" pour plusieurs raisons. Nous reprenons ici les propos qu’il a tenus dans une vidéo produite par Regards Protestants.
Longtemps clairement opposé à l’euthanasie, l’ancien président de la Fédération protestante de France raconte le « déplacement intérieur » qu’il a vécu au fil des ans grâce à ses réflexions, travaux et écrits sur le sujet de la fin de vie. L’aboutissement de ce cheminement a forgé sa conviction selon laquelle le « non » à l’euthanasie, le refus de l’aide à mourir, ne répond pas à la demande formulée par une personne. Il exprime aujourd’hui une « position d’ouverture ».
Sur ce thème, deux dimensions co-existent et sont en débat permanent. Certes, l’aide à mourir est un sujet profondément intime et, par nature, individuel. Mais il comporte également un aspect collectif car c’est un sujet de la société. « Il faut en permanence tenir les deux enjeux avec fraternité, de sorte que la fin de vie puisse se vivre avec confiance ».
Pour François Clavairoly, « Les 6 cultes présents en France ont fait une déclaration commune, ils ont produit des textes, ils ont défendu ce travail devant les chambres des élus. Toutefois, dans la tradition protestante, nous avons toujours veillé à faire valoir la diversité des points de vue. Or dans la présentation de cette position « officielle » de la fédération protestante de France, je crains que cette pluralité n’ait pas été valorisée à sa juste mesure. »
La question du suicide, qu’il se situe dans une problématique d’euthanasie ou pas, est « un sujet abyssal ». La bible relate six histoires de suicide différentes (un des rois d’Israël, Saül, un disciple de Jésus, Judas, et d’autres personnages). Il est intéressant de souligner que, « dans aucun de ces cas, il n’y a condamnation. Le suicide y est l’expression d’un malheur, d’un échec, d’une perte. Mais on ne parle pas d’exemption du salut, d’enfer ou tout autre condamnation…. Je pense que si nous croyons en Dieu, Dieu croit en nous bien plus que nous ne croyons en lui. Que ce geste soit le fruit d’un désespoir ou celui d’une fierté (dans certains récits c’est le cas : mourir libre et digne), Dieu le regarde avec la bienveillance qui est la sienne ».
Il y a deux conceptions concernant la vie. L’une pose que la vie appartient à l’homme, autonome et libre, il en fait ce qu’il veut. C’est la posture d’une grande partie de la philosophie grecque, présente encore aujourd’hui. L’autre affirme que la vie est sacrée, intouchable, inviolable, don de Dieu. C’est notamment la posture des religions à ce jour.
Ni l’une ni l’autre n’intègre le lien avec Dieu. Dans la posture des philosophes antiques, Dieu est absent. Dans l’autre, la radicalité va sans doute au-delà de ce que nous dit la bible. « Rappelons que selon Paul, le lien n’est pas rompu lors de la mort. La mort ne nous arrache pas à la proximité avec Dieu. Cette affirmation que la vie est sacrée comporte un absolu, une revendication radicale d’un interdit dont on ne trouve pas trace dans la Bible. Cette position s’appuie sur deux textes bibliques : Exode 20 (« tu ne tueras pas ») et Deutéronome 30 « Choisis la vie ». Quand on les lit attentivement, il apparait que ces deux textes n’énoncent pas des injonctions juridiques et morales. Ils nous encouragent à ne pas tuer, à choisir la vie, mais cette situation, où l’homme va tuer ou ne pas choisir la vie, peut arriver malgré tout ».
La conviction du pasteur Clavairoly s’est construite parce qu’il y a des garde-fous importants dans la loi. Il en cite trois lors de cette interview.
La clause de conscience pour le corps médical est au centre. L’acte de faire mourir, est normalement à la main de la personne, mais si cette personne ne peut plus le faire, il est effectué par le médecin. Or ce n’est pas considéré comme un acte de soin et c’est donc très sensible. Dans la loi, personne ne sera obligé de commettre l’acte de faire mourir. Si le médecin ou l’infirmier le souhaite, cette clause lui permet de se retirer et de demander à un confrère de ne pas laisser sans réponse la personne qui a formulé la demande. Par ailleurs le texte prévoit un délai de réflexion, indispensable, qui dispose que la personne puisse changer d’avis et qui garantit qu’elle reste libre dans son choix. Enfin, il intègre et régule un risque avéré, celui que l’entourage de la personne, la famille, les proches, soient facteurs de pression. Le but est d’éviter que cette personne ne se sente comme une charge inutile, en trop, appelée à quitter la vie.
Le sujet porte aussi une grande question : « À qui appartient le corps ? On a longtemps dit « à Dieu », puis « à la médecine », Aujourd’hui l’idée que le corps appartient à la personne advient. Il faut trouver la juste mesure entre ce lien à Dieu, ce lien à la médecine, ce lien à soi.
Je tiens à la vie comme un bien précieux qui m’a été confié par Dieu et j’en suis responsable jusqu’au bout ».
Voir la vidéo ICI
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Entretien mené par : David Gonzalez
Technique : Quentin Sondag, Horizontal Pictures
Entretien mené par : David Gonzalez
Pourquoi l’Église catholique condamne-t-elle encore l’homosexualité ? Une trahison évangélique.
« Ce que l’homme appelle loi naturelle n’est souvent que l’habitude érigée en morale. » — Jacques Pohier.
Pourquoi l’Église catholique persiste-t-elle à condamner l’homosexualité alors même qu’une part croissante de ses fidèles, de ses théologiens, et de l’humanité tout entière comprend qu’il ne s’agit ni d’un vice ni d’un désordre, mais d’une expression légitime de l’amour humain ?
La réponse n’est pas théologique, ou du moins pas essentiellement. Elle est anthropologique, historique, politique. Car il faut le dire avec clarté : la condamnation de l’homosexualité n’a pas sa source dans l’Évangile, mais dans une construction doctrinale sclérosée, héritée d’une époque où l’on confondait morale sexuelle et ordre social patriarcal. Par exemple, dans l’antiquité, il était déshonorant pour un homme d’adopter une positions passive assimilée à celle d’une femme.
Une théologie du soupçon du corps
Depuis Augustin, l’Église porte en elle une méfiance vis-à-vis du corps, du désir, de la sexualité. Ce que Joseph Moingt appelait « la surmoralisation du sexe » a conduit à une doctrine où tout écart à l’union hétérosexuelle procréative est jugé contre nature. Pourtant, ce finalisme biologique, érigé en dogme moral, n’est ni biblique ni christique. Jésus n’a jamais parlé de sexualité ; il n’a ni légiféré, ni exclu, ni normé les désirs. Il a accueilli.
Comment peut-on aujourd’hui soutenir que l’amour entre deux personnes de même sexe, fondé sur le respect, la fidélité, l’intimité, serait « intrinsèquement désordonné » comme l’enseigne encore le Catéchisme de l’Église catholique (§2357) ? Cette formule, d’une violence théologique inouïe, dit tout de l’écart abyssal entre la doctrine romaine et l’expérience vécue des croyants.
Un contresens sur la nature humaine
Comme le souligne le théologien protestant André Gounelle, « ce que la tradition appelle ‘nature’ est une construction culturelle et historique, souvent utilisée pour maintenir l’ordre établi ». En s’appuyant sur une conception figée de la nature, l’Église refuse de reconnaître ce que la science a établi depuis des décennies : l’orientation sexuelle n’est ni un choix ni une déviation, mais une donnée profonde de l’identité de chacun.
Vouloir convertir ou condamner un homosexuel, c’est lui demander de renier sa propre vérité existentielle. C’est faire de l’obéissance à une norme abstraite un absolu, au mépris de la conscience personnelle que l’Église prétend pourtant respecter.
Une lecture non évangélique
Jacques Pohier écrivait avec justesse que la foi chrétienne devrait être une libération et non une soumission. Or, que libère-t-on lorsque l’on exige d’un homosexuel la continence à vie, sans affect, sans corps, sans intimité ? Il ne s’agit pas là d’un appel à la sainteté, mais d’un refus d’accueillir la pluralité des formes humaines de l’amour.
Le Dieu de Jésus n’est pas celui de l’exclusion, mais celui qui mange avec les exclus, touche les impurs, bénit les corps blessés. Il n’a pas demandé au centurion romain d’abandonner son serviteur aimé, il n’a pas rejeté la femme adultère, il n’a pas exigé la conformité morale comme préalable à la grâce.
Qui, aujourd’hui, se met à la place de ce Dieu-là ?
L’appel d’un christianisme adulte
Le temps est venu pour l’Église d’entrer dans une théologie de la maturité, celle que Joseph Moingt appelait de ses vœux : « L’homme adulte dans la foi n’a plus besoin de tuteur, ni de loi imposée du dehors. Il agit selon l’Esprit qui est en lui. »
Dans cette perspective, l’amour entre deux hommes ou deux femmes ne devrait pas être jugé à l’aune d’une norme abstraite, mais selon ce qu’il révèle de la dignité de la relation, de la sincérité du don, de la capacité à faire vivre l’autre. Toute autre attitude est trahison de l’Évangile.
En conclusion
L’homosexualité n’est ni un péché ni un scandale. Le véritable scandale est qu’une institution censée proclamer l’amour inconditionnel continue à condamner ceux qui aiment autrement.
Il ne s’agit pas ici d’une revendication moderniste, mais d’un retour au cœur même du message de Jésus. Comme le rappelait Paul Tillich : « Le péché n’est pas de désirer, mais de se couper de l’amour. » Que l’Église cesse donc de faire du désir une faute et de l’amour une suspicion.
Car là où deux êtres s’aiment en vérité, là est Dieu.
Michel LECONTE, théologien et psychologue clinicien, le 29 juin 2025
Alors que l’offensive israélienne à Gaza aurait causé la mort d’au moins 52 000 Palestiniens depuis le 7 octobre 2023, un collectif d’associations chrétiennes alerte sur le risque d’un génocide. Elles réclament un cessez-le-feu immédiat et la libération de tous les otages.
Près de six cents jours après le 7 octobre, et la guerre impitoyable menée dans la foulée par l’État d’Israël, la bande de Gaza s’enfonce dans l’abîme. L’offensive israélienne a déjà fait plus de 52 000 morts et détruit près de 80 % des infrastructures en place. Plus de 2 millions de personnes font face à un « risque critique de famine » selon l’OMS, à la suite du blocus total de l’aide humanitaire imposé par le gouvernement israélien depuis plus de deux mois. Gaza est devenue inhabitable. Les mots manquent pour décrire cette réalité, mais les faits, eux, sont clairs : un génocide est en cours.
La Cisjordanie n’est pas épargnée par la volonté affichée du gouvernement de Netanyahou de rendre impossible l’existence des Palestiniens. Depuis un an et demi, des opérations conjointes entre colons et armée israélienne ont poussé des dizaines de milliers de Palestiniens à fuir, et ont provoqué la mort d’au moins 900 d’entre eux, 7 000 blessés et plus de 40 000 déplacés de force.
L’ONU alerte désormais sur un risque de nettoyage ethnique en Cisjordanie. Les fondations d’une paix juste sont méthodiquement détruites. Dans le prolongement de l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ) de juillet 2024, l’Assemblée générale des Nations unies a exigé, par son vote du 18 septembre 2024, la fin de l’occupation israélienne du territoire palestinien et le démantèlement des colonies avant le 18 septembre 2025.
L’histoire jugera notre silence
Face à ce désastre humain et moral, nous, chrétiennes, chrétiens et organisations issues de mouvements chrétiens, porteurs d’un message d’amour, de paix et de justice, ne pouvons rester muets. Tout comme nos dirigeants, qui ont le devoir de tout faire pour que le droit international s’impose, que le droit à l’autodétermination du peuple palestinien soit respecté, et qu’une paix durable soit accordée aux Palestiniens comme aux Israéliens.
Nous accueillons les paroles récentes du président Emmanuel Macron, qui a qualifié la situation à Gaza de « honte » et demandé la reprise « immédiate » de l’aide humanitaire. Mais les mots seuls ne suffisent plus. Le temps est à l’action. Le peuple palestinien vit la plus grande tragédie de son histoire, et le droit international doit être la boussole de ses droits légitimes.
Alors qu’elle coprésidera une conférence internationale pour une solution à deux États en juin prochain, la France doit se montrer à la hauteur de ses responsabilités. Elle ne peut parler d’État palestinien tout en regardant se dissoudre sous ses yeux le peuple censé l’habiter.
Nous lançons donc un appel solennel aux autorités françaises et européennes. Elles doivent exiger un cessez-le-feu immédiat et définitif, la fin du génocide et la libération de tous les otages. Œuvrer au déblocage complet de l’aide humanitaire à Gaza, sans conditions politiques. Exiger la mise en œuvre de la décision de l’Assemblée générale des Nations unies de 18 septembre 2024, sur la fin d’occupation israélienne. Décider de sanctions, en particulier la suspension de l’accord d’association UE-Israël, tant qu’Israël ne respecte pas le droit international, comme le permet l’article 2 de cet accord.
Signataires :
Virginie Amieux, présidente du CCFD-Terre solidaire
Camille Charrière et Foucauld Giuliani, membres du collectif Anastasis
Élisabeth Blanchard, secrétaire générale des Amis de Sabeel France
Marylin Pacouret, présidente de Chrétiens de la Méditerranée
Mathieu Busch, directeur de l’Action chrétienne en Orient
Yves Rolland, Président de l’Acat-France
Jean-Luc Bausson et Karin Flick, coprésidents de Chrétiens dans le monde rural
Karine Cornily et Denis Mazoyer, coprésidents de l’Action catholique ouvrière
Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de La Cimade
Benoit Halgand, porte-parole de Lutte & Contemplation
Frédéric-Marie Le Méhauté, ministre provincial des franciscains de France-Belgique
Michel Roy, secrétaire général de Justice et Paix
Caroline Ingrand-Hoffet, pasteure UEPAL à Kolbsheim
Jean-Sébastien Ingrand-Hoffet, pasteur UEPAL pour la justice climatique
Manuele Derolez, présidente de la DCCParce qu’un jour, l’histoire jugera notre silence.
Depuis les débuts de l'ère chrétienne, on a utilisé la bible pour justifier des postures, opinions et comportements extrêmement divers voire antagonistes. Comment expliquer que sa lecture peut générer des compréhensions si contrastées ?
Thomas RÖMER, exégète, philologue et bibliste, est professeur au Collège de Fronce. Il a publié à la fin de l'année dernière un nouvel ouvrage dans lequel il souligne qu'il y a dons la bible une gronde diversité, et il en fait l'éloge. Nous présentons ci-dessous une synthèse de la présentation qu'il en a faite à un média protestant suisse.
Tout d'abord « la Bible » n'existe pas ... mais qu'il y a « des » bibles. Il suffit de penser à la bible juive, aux diverses bibles chrétiennes qui ont des contenus, des arrangements et des livres différents (la bible catholique, les bibles protestantes, les bibles orthodoxes, chaque tradition orthodoxe ayant sa propre version). La bible juive n'est pas ce qu'on appelle l'ancien testament dans d'autres bibles car l'ordre des livres qui y sont insérés est différent : dans les bibles protestantes on finit par les prophètes pour prouver que ceux-ci annoncent le nouveau testament alors que dans la bible juive l'ordre n'est pas celui-ci.
La bible, telle que la connaissent les chrétiens, s'est constituée petit à petit au cours des 4ème et 5ème siècle et le dernier manuscrit complet en hébreu date du moyen âge. Elle constitue plutôt une bibliothèque qu'un livre.
Cette bibliothèque offre en effet un grand champ de projections. Ayant accompagné la religion judaïque et les religions chrétiennes, elle a été utilisée pour les prédications et l'étude, mais aussi pour légitimer toutes sortes d'options éthiques et politiques. Or il est rare qu'on prenne la bible dans son ensemble. Les lecteurs y effectuent plutôt une sorte de sélection en prenant les textes qui leur semblent importants, ce qui ne rend pas compte de l'ensemble ni de sa diversité.
Par exemple, on la considère comme un fondement de la législation. Mais il y a dans la bible une alternance de lois et de récits, et les lois énoncées sont souvent reprises plusieurs fois et transformées au fil du texte biblique. La loi s'adapte en permanence aux différentes sociétés dans lesquelles nous sommes.
De manière générale elle n'est pas univoque. Cela résulte du processus de constitution de la Bible. Il n'y a pas « un » auteur biblique, et aucun livre de la bible n'a été écrit d'un seul trait par un auteur unique. Les textes furent rédigés sur des papyrus et des parchemins, dont la durée de vie est de 40 /50 ans. Quand ils étaient abimés, il fallait les réécrire, et alors on les modifiait, on les actualisait en fonction du contexte culturel, social, politique. Les rédacteurs recopieurs sont aussi des auteurs. Le texte vit et se transforme.
On peut faire dire à la Bible beaucoup de chose, et on le fait. Mais la bible n'est pas une sorte de livre de recettes immuables », elle n'apporte pas « une » parole définitive, qu'on devrait appliquer à la lettre, sur toutes sortes de questions éthiques et sociétales. Affirmer que la bible est « la parole immuable », comme le font les milieux fondamentalistes évangéliques aujourd'hui, n'est rationnellement pas possible. En effet, dans ce cas, on devrait rétablir la polygamie, l'esclavage, la société patriarcale, la peine de mort. C'est même insulter le texte, parce qu'il a été écrit précisément dans cette idée qu'il devrait être réinterprété constamment.
La bible n'est pas non plus une doctrine théologique puisqu'elle nous fait part, au contraire, de toutes sortes d'interrogations sur des questions théologiques comme la relation de l'homme au divin et au monde. Et elle le fait avec beaucoup de diversité, d'hétérogénéité.
Ces textes ont été confrontés à des générations diverses. Chaque lecteur comprend avec son contexte culturel. Il y a une grande liberté d'interprétation, c'est donc un livre dangereux quand on veut s'en servir pour légitimer sa propre vision des choses. C'est un livre dangereux aussi quand il est utilisé par des détenteurs du pouvoir ou des oppresseurs. Ainsi, le livre de Josué a été utilisé pour justifier l'extermination des populations autochtone, les croisades, l'occupation des terres en Palestine. Il a été invoqué aussi par les esclaves lors du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis, pour argumenter l'impératif de leur libération. C'est donc aussi un livre de libération. Que faut-il en conclure ? Sans doute avant tout qu'on ne lit pas la même chose quand on est du côté des oppresseurs ou celui des opprimés.
Alors, si le texte biblique n'offre pas de vérité matérielle, historique, propose-t-il une vérité symbolique dans ces textes ?
Quand on dit que certains récits comme celui sur Abraham ou celui sur Moïse sont des mythes, les gens sont un peu désarçonnés : « Ah ce n'est qu'un mythe ». Mais un mythe c'est un récit fondateur qui crée une identité. Le judaïsme ne s'est pas constitué sur l'historicité des figures d'Abraham et de Moïse mais sur des récits qui racontent comment Abraham et Moïse étaient en phase avec Dieu ou pas, qui décrivent les conflits entre eux, les difficultés et ce qu'ils ont mis en place. Donc c'est le récit qui est fondateur et non l'événement. Cela ne veut pas dire que tout dans la bible est inventé de toutes pièces. La plupart des récits portent des traces mémorielles de l'histoire.
La foi est une certitude, or la bible ne propose pas de certitude puisqu'elle propose à chacun d'interpréter à sa façon. Comment sortir de cette contradiction ?
La foi n'est pas une chose fixe qu'on définit une fois et n'évolue plus. Elle nous accompagne, et, comme l'a écrit Martin Luther, on peut la perdre, la retrouver, changer son contenu. Dans la bible, les récits l'illustrent. Pensons à Abraham, qui a une foi inébranlable en Dieu, et au contraire à Job, qui ne comprend pas du tout ce Dieu et se questionne profondément. Pensons au livre de Jonas qui affirme que Dieu peut changer d'avis, et que les oracles de destruction peuvent ne pas être définitifs. Ces récits reflètent ce qui peut arriver lors d'une vie humaine ou lors de la vie d'une société. La bible accompagne les humains avec leurs espoirs, leurs désespoirs, c'est justement une de ses richesses.
La Bible, qu'est-ce que ça change ?, Thomas RÖMER, éditions Laboret Fides, 2025,128 p.
Écouter l’entretien ICI
Extrait d'un discours de Paul : « En le condamnant, ils ont accompli les paroles des prophètes qu'on relit chaque sabbat » (Actes 13,27). Ils condamnèrent donc Jésus et obtinrent de l'autorité romaine qu'il fût crucifié. Ce fut un terrible accomplissement et nous ne pouvons pas prendre à la légère l'horreur d'une crucifixion, même celle du Fils de Dieu au motif qu'elle accomplirait les paroles des prophètes. Affirmer que les juges et les bourreaux de Jésus accomplissent les paroles des prophètes est un avis qui est donné, longtemps après les faits, par Paul. Cet avis autorisé ne doit pas nous laisser oublier que, sur le moment, l'horreur l'emporte sur toute consolation possible, tout comme la nuit l'emporte sur le jour. Si donc accomplissement il y a, ça ne peut être qu'un accomplissement tragique, un abîme qui s'ouvre, que rien, qu'aucune bonne parole, qu'aucun geste fraternel ne peut combler. Bien audacieux celui qui prétendrait y parvenir.
Quelles sont ces paroles lues chaque sabbat ? Quel est le message des prophètes ? Tantôt c'est la malédiction, et tantôt c'est la bénédiction. C'est ainsi possiblement une véritable promesse, promesse d'un futur, d'un avenir. Quoi ? Quand ? L'espérance prophétique se moque du quoi et du quand. En ce sens, elle s'accomplit tout comme elle s'énonce et au moment où elle s'énonce. Elle s'énonce à chaque culte. Et s'énoncera jusqu'à la fin des temps.
Reste que le sauveur est mort... Que savons-nous après tout de la fin, et que savons-nous de la forme que revêtira la résurrection ? Que savons-nous finalement de la divine miséricorde, si ce n'est qu'elle nous a déjà fait grâce en Jésus Christ ? Nous ne savons pas comment Dieu, recueillant l'âme de son Fils supplicié, l'impute à tout homme en rémission de ses péchés. Mais nous avons foi qu'il le fait. Et cela peut suffire à notre joie.
Pasteur Jean Dietz
Le Temps pour la Création est une période qui s’étend du 1er septembre (journée internationale de prière pour la sauvegarde de la Création,) au 4 octobre (fête de François d’Assise), durant laquelle les chrétiens du monde entier sont invités à agir pour prendre soin de la Création. Un thème différent est proposé chaque année au niveau mondial.
La communauté œcuménique de Taizé propose régulièrement des temps de rassemblement et, notamment, elle organise à la fin de chaque année une rencontre européenne de jeunes dans une grande ville (Rome, Londres, Lisbonne, Riga, Varsovie, Madrid, Ljubljana, Tallinn, ... ). Ces rencontres se tiennent à l'invitation des Églises locales, en étroite collaboration avec les autorités civiles de la ville hôte et de la région qui l'entoure. Elles reposent sur l'implication d'un grand nombre d'acteurs et sur l'hospitalité des habitants.
La prochaine rencontre aura lieu à Paris du 26 au 29 décembre 2025. Le Conseil d'Églises chrétiennes en France présente l'évènement dans un communiqué de presse de décembre dernier, co-signé par le président de la Fédération protestante de France, le président de la Conférence des évêques de France et le président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France : « Ce rassemblement sera une belle occasion de nous rencontrer dans un esprit de prière et de fraternité, de partage et de fête, et de poser ainsi un témoignage chrétien d'unité au cœur d'un monde traversé par tant de tragédies et de crises. C'est au nom des Églises chrétiennes présentes en France, que nous responsables catholiques, orthodoxes et protestants vous invitons à venir à Paris. En effet, nous parlons d'une même voix aussi souvent que nous le pouvons. Et c'est dans cet esprit que nous souhaiterions donner, ensemble avec vous tous, le témoignage d'une unité vécue dans la diversité réconciliée en Christ. »
Ce que les évangiles disent vraiment : en finir avec la lecture fondamentaliste.
On nous répète sans cesse que les évangiles rapporteraient fidèlement les faits et gestes de Jésus de Nazareth, comme un journal de bord inspiré du ciel. Cette prétention à une exactitude historique, défendue avec ferveur par les courants fondamentalistes, trahit pourtant l’essence même du témoignage évangélique. Elle transforme des textes de vie en fossiles dogmatiques, des appels existentiels en archives notariales.
Le théologien Paul Tillich nous offre une libération salutaire face à cette emprise. Pour lui, les évangiles ne racontent pas la vie de Jésus, au sens où l’entendent les amateurs de preuves et de chronologie. Ils ne sont pas des comptes rendus factuels, mais des symboles vivants, des formes d’analogia imaginis — des images humaines dans lesquelles transparaît quelque chose du divin. Ils ne décrivent pas un itinéraire biographique ; ils interprètent une présence, celle d’un homme dans lequel le fondement de l’être s’est rendu perceptible jusqu’à la croix.
Refuser cette lecture symbolique, c’est réduire la foi à une adhésion documentaire. C’est confondre Dieu avec un personnage de récit, et le Christ avec un héros religieux bien documenté. Or, la vérité de l’évangile ne se prouve pas, elle se reçoit — dans l’événement existentiel que ces textes suscitent. Jésus ne s’impose pas comme une donnée brute ; il appelle, il interpelle, il provoque une décision intérieure. Ce que les évangélistes transmettent, ce n’est pas un souvenir, mais une vision, une image portée par la foi, et non une caméra divine posée sur l’épaule du Messie.
Dans une époque saturée de discours religieux infantilisants, il est urgent de relire les évangiles non comme des récits garantis sans faute, mais comme des symboles de la rencontre entre Dieu et l’homme. Tillich nous enseigne que le Christ n’est pas un fait figé dans le passé, mais une nouvelle réalité qui transfigure notre existence. Il est la révélation du divin dans l’humain, et les évangiles sont les moyens symboliques de cette révélation, non son enregistrement.
En idolâtrant la lettre, les fondamentalismes oublient l’Esprit. Ils cherchent dans l’histoire ce qui ne peut être saisi que dans l’expérience intérieure. Ils font des évangiles une prison, là où ils sont au fond une brèche dans la clôture de notre monde, un passage vers ce que Tillich nomme le fondement de l’être.
Il est temps de libérer la foi de l’illusion du factuel. Les évangiles ne disent pas ce qu’il s’est passé ; ils nous disent ce qui arrive quand Dieu se laisse entrevoir dans un homme. Cela s’appelle une révélation, non un reportage.
Par Michel LECONTE, théologien et psychologue clinicien, le 7 juin 2025
Le 1er juin 2025, le Synode national de l’Église Protestante Unie de France (EPUdF) et, le 3 juin 2025, le Conseil plénier l’Union des Églises Protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) ont adopté un communiqué commun sur la situation en Israël et Palestine.
La Communion protestante luthérienne et réformée (CPLR), qui unit l’Église protestante unie de France (EPUdF) et l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL), est en lien avec les Églises en Israël et en Palestine.
Nos Églises entendent l’appel au secours des populations broyées par les violences en Palestine et en Israël. Elles dénoncent ce qui produit la violence et nourrit la haine entre les peuples.
À travers la prière, les prises de parole, les liens fraternels, les visites, nos Églises expriment leur solidarité envers les victimes de l‘injustice et s’engagent pour une paix juste et durable.
Aucune théologie ne saurait justifier l’occupation d’une terre, la confiscation des droits ou le terrorisme. Nous condamnons les atrocités commises par le Hamas envers les Israéliens. Nous condamnons la politique et la guerre menées par le gouvernement d’Israël envers le peuple palestinien. Nous condamnons la destruction de Gaza qui fait de ce lieu un enfer et empêche tout avenir. Nous condamnons les attaques incessantes et arbitraires en Cisjordanie. Nous demandons que soient appliqués et respectés le droit international et les résolutions de l’ONU.
Les tragédies se succèderont tant que les droits fondamentaux seront bafoués et que les actes de barbarie et les ripostes nourriront le cercle infernal de la violence.
La paix ne naîtra que d’un processus politique qui assurera à tous, Palestiniens et Israéliens, les mêmes droits. La communauté internationale doit être garante de ce processus.
Nous appelons également tous nos concitoyens et les responsables politiques de notre pays à ne pas instrumentaliser ce conflit pour des enjeux de politique nationale, mais à appuyer par tous les moyens la recherche d’une issue pacifique.
Nos frères et sœurs du Proche-Orient, ainsi que tous les habitants victimes de cette folie meurtrière, sont dans nos prières.
Que Dieu nous vienne en aide ! Qu’il nous enseigne les chemins de la justice qui mènent à la paix.
Le 26 mai 2025 était la rencontre annuelle des ministres des cultes de Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL).
Plus de 150 ministres réunis en l'église protestante de Neudorf pour une conférence de la théologienne et bibliste Anne SOUPA.
Elle s’est exprimée sur le « Christianisme au service d’un monde bouleversé ».
Dans un monde en quête de repères, souvent traversé par les peurs et les replis, sa parole a résonné comme un appel : celui de revenir à l’essence vivifiante de la foi chrétienne.
Lire la conférence d’Anne SOUPA ICI
Anne SOUPA soutient que la parole personnelle est féconde. « Le témoignage devient la pièce maîtresse du christianisme ».
Ainsi, la bibliste a créé l’association Chez Re-née pour recueillir des témoignages de chrétiens, « pour une renaissance du christianisme ».
À travers une parole claire, accessible et nourrie par l’Évangile, Anne SOUPA nous rappelle que le témoignage chrétien n’est pas un vestige à défendre, mais une source vive à partager.
Le Synode national de l’Église protestante unie de France, qui se tient à Sète du 29 mai au 1er juin 2025, a élu son Conseil national ce vendredi 30 mai.
Il est composé de vingt membres, pasteurs et laïcs (hommes et femmes).
Le Conseil a désigné à la présidence de son Bureau le pasteur Christian BACCUET, âgé de 61 ans et succédant à la pasteure Emmanuelle SEYBOLDT.
Il possède une solide formation théologique et un parcours pastoral riche de 34 ans d’engagement.
Docteur en théologie, sa thèse en 2017 a porté sur « Le ministère, nœud gordien de l’œcuménisme ? La question des ministères dans les dialogues théologiques internationaux entre les Églises luthériennes et réformées et l’Église catholique.»
Spécialisé dans les questions œcuméniques, il est membre du groupe des Dombes depuis 2006.
Il a exercé son ministère pastoral dans les paroisses de Nevers et Moulins, du Vésinet et à Paris et a été président de la Commission des ministères.
Le pasteur Christian BACCUET encourage l’Église protestante unie à poursuivre son engagement dans la dynamique : « Mission de l’Église et les ministères » dans laquelle le Synode national s’inscrit depuis 2022.
Présentation du pasteur Christian BACCUET ICI.
L’Église Protestante Unie de France (EPUdF), cofondatrice de la Fédération protestante de France, est l’une des principales Églises protestantes en France.
Sans être iconoclastes, les protestants sont réticents devant les images dans les temples.
En visitant une église, il arrive qu’on entende dire que des statues ou décors ont été autrefois détruits par les protestants. Et il est vrai que certains d'entre eux étaient iconoclastes, parce qu'ils estimaient que ces statues ainsi que certaines images étaient abusivement adorées. Théoriquement, il s'agissait plutôt de vénération que d'adoration, mais ces destructeurs d'œuvres d'art, sur la base du texte du décalogue (Exode 20.4), se méfiaient de toutes les représentations risquant d'être idolâtrées.
Aujourd'hui on peut dire que les protestants, réformés français en particulier, sans être iconoclastes, sont réticents devant les images dans les temples. Jamais de statues, pas de tableaux, pas ou très rarement des vitraux figuratifs, pas ou peu de décor et peu de couleur. Seule la Parole de Dieu doit attirer l'attention. On peut parler de sobriété maximale ou même, selon l'impression de certains, de froideur.
Mise en garde de Jacques Ellul.
Cela veut-il dire que le protestantisme rejette toute œuvre d'art ? Certainement pas. Il suffit de citer Lukas Cranach, proche de Luther, Dürer, Rembrandt, Van Gogh et tant de célèbres artistes hollandais et allemands. Les sujets bibliques sont loin d'être exclus, comme le montre tout particulièrement l'œuvre de Rembrandt. Des artistes protestants ont exercé leur art dans toutes sortes de sujets et thèmes.
De façon plus générale, il faut prendre en compte la mise en garde de Jacques Ellul vis-à-vis de notre civilisation de l'image. Dans son livre La Parole humiliée, il critique l'idolâtrie religieuse des images, tout en acceptant les icônes comme moyen d'entrapercevoir le Royaume de Dieu. Mais il élargit ses critiques à l'usage moderne abusif de l'image et des images, alors que la parole, vrai moyen de dialogue, est dévalorisée. Il met en avant la Parole de Dieu, qui seule nous permet de le connaître et de recevoir ses messages. La mise en valeur ellulienne de la parole et de la Parole est bien protestante.
Par Olivier PIGEAUD, pasteur à la rédaction de Réforme.
Les responsables des cultes chrétiens en France, réunis dans le cadre des rencontres régulières du Conseil d'Églises chrétiennes en France (CÉCEF), joignent leur voix à celles qui demandent la paix en Israël, à Gaza et en Cisjordanie.
Ils réaffirment que les otages doivent être libérés sans condition et que les corps des défunts doivent être remis à leurs familles afin que celles-ci puissent les inhumer dignement.
Ils font leur le cri de ceux et celles, enfants ou adultes qui souffrent de la faim, qui manquent de toit et de sûreté, qui réclament que les enfants et les jeunes puissent étudier en toute sérénité.
Ils appellent les responsables politiques de tous bords à agir pour une paix réelle et durable. Ils réaffirment que le respect du droit international, notamment humanitaire, est une composante nécessaire de la justice aujourd’hui et qu’un État se grandit en le respectant. Ils prient Dieu de susciter des artisans de paix courageux et lucides.
Le Métropolite Dimitrios, Président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France
Le Pasteur Christian Krieger, Président de la Fédération protestante de France
Mgr Éric de Moulins-Beaufort, Président de la Conférence des évêques de France
À Paris, le 26 mai 2025
Dans ce livre, Marion MULLER-COLARD explore la notion de croire.
A travers les échanges avec son fils, elle scrute les doutes et les certitudes qui façonnent l’être humain, du religieux au scientifique, du personnel au politique. Son écriture, fluide et précise, interroge le besoin d’appartenir et la quête de sens.
Avec tendresse et exigence, l’auteure nous rappelle que chaque matin quelque chose nous pousse à nous lever.
Un livre qui invite à réfléchir, à douter et à accepter ce qui nous échappe.
"Croire - qu'est ce que ça change ?",
Un petit livre essentiel pour développer le savoir-croire et éviter de confondre connaissance et croyance.
Marion MULLER-COLARD, Labor et Fides, collection « Qu’est-ce que ça change ? », 2024, 112 p - 10 €.
Marion MULLER-COLARD naît Marion Muller en 1978 à Marseille. Ses parents sont éducateurs spécialisés, son père dans le domaine de la délinquance, sa mère dans celui du handicap. Son grand-père paternel était pasteur, résistant et Juste parmi les nations. Son arrière-grand-père lorrain, Joseph Muller, était un prédicateur-paysan mennonite d’origine suisse alémanique.
Elle grandit dans la Drôme, d'abord à la campagne jusqu'à l'âge de huit ans, puis à Valence. Elle vit dans les Vosges alsaciennes avec son mari, Samuel Colard, musicien et fils de pasteur et leurs deux enfants.
Marion Muller-Colard est titulaire d'un doctorat obtenu à la faculté de théologie protestante de Strasbourg. Après une année de spécialisation en études juives à Jérusalem, elle consacre ses années de recherche à une étude du livre biblique de Job, en écho avec sa pratique bénévole de médiatrice pénale. Elle écrit également régulièrement des méditations pour l'hebdomadaire protestant français Réforme.
Alors que le Parlement examine un projet de loi sur l’aide à mourir, la Fédération nationale des Associations familiales protestantes (AFP) lance un appel à l’engagement fraternel et solidaire auprès des malades et de leurs proches.
Pour les Associations familiales protestantes (AFP), un peu plus d’un an après un premier appel similaire, les choses n’ont pas changé. Alors que le Parlement examine un projet de loi sur l’aide à mourir, la fédération renouvelle un appel à l’engagement solidaire. “Il est important de prendre notre part de souffrance, de prendre notre part de responsabilité sur là où l’on en est”, explique Françoise Caron, la présidente de la fédération nationale des AFD. Ainsi, le communiqué ne vise pas seulement à s’opposer au projet de loi, mais à appeler à plus de fraternité, de solidarité, de présence. Et ce auprès des malades et des aidants. “Car avant de dire non à une loi, il faut dire oui aux personnes !”, souligne le document.
“Le débat sur la fin de vie soulève des questions cruciales. Ce projet de loi, qui envisage la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté, touche à l’essentiel de notre humanité. Mais avant toute opposition, nous appelons à une mobilisation active, portée par la compassion et la responsabilité. À quoi bon dénoncer une réforme si nous restons absents auprès de ceux qui souffrent ? À quoi sert de parler de dignité si personne n’est là pour tenir la main de celui ou celle qui vacille ?, questionne le communiqué. Si nous voulons être crédibles, comme citoyens et comme croyants, nous devons d’abord nous lever pour les personnes, non simplement contre un texte.”
“Armée de bénévoles”
Une présence qui ne concerne pas uniquement les départements dépourvus de soins palliatifs. “Notre mission première n’est pas d’empêcher une loi, mais de faire face à la détresse humaine par la présence, l’écoute et l’amour. Être là. Fidèles. Fraternels. Pour que de moins en moins de personnes aient à dire : ‘Je veux mourir’ faute d’avoir entendu : ‘Je suis là, je reste avec toi’.” “Peut-être qu’une armée de bénévoles pourrait se rendre là où il n’y a pas d’accès aux soins palliatifs, mais également auprès des familles”, encourage Françoise Caron. “Nous croyons qu’une société riche de son humanité se reconnaît dans sa capacité à accompagner les plus vulnérables jusqu’au bout. Non dans l’abandon, mais dans une profonde humanité. Cela suppose, aussi, de rendre les soins palliatifs réellement accessibles à tous, partout sur le territoire, y compris dans les territoires ultra-marins”, reprend le texte.
Parce qu’elles s’engagent à “incarner cette présence que nous refusons cette loi. Non pas au nom d’une posture religieuse ou idéologique, mais parce qu’elle inscrit dans le droit l’idée qu’il vaudrait parfois mieux mourir que vivre diminué — comme si une vie fragilisée avait moins de valeur. Nous rejetons cette logique”. Les AFP attendent de la société qu’elle protège la vie jusqu’à son terme, non par idéalisme, mais par réalisme fraternel. “Parce que nous savons qu’il est possible de soulager, d’aimer, d’accompagner jusqu’au dernier souffle. Parce que la dignité humaine ne s’éteint pas avec la lucidité, et que toute vie mérite d’être honorée. Notre foi, notre espérance, notre engagement familial nous appellent non seulement à proclamer ce qui est bon, mais à le vivre concrètement”, poursuit le communiqué.
“Familles, soignants, bénévoles, amis”
Pour les AFP, il est important d’“être là, simplement. Quand tout semble trop lourd. Former un tissu solidaire : familles, soignants, bénévoles, amis. Dans de nombreuses régions, les associations familiales protestantes locales organisent des groupes de parole, des ateliers sur la gestion émotionnelle ou encore des temps de soutien et de répit pour les aidants familiaux. Car au fond, ce n’est pas seulement l’avenir d’un texte dont il est question. C’est celui de notre humanité”.
Article paru dans reforme.net
La semaine dernière, l'armée israélienne a annoncé son plan pour « gérer la faim » à Gaza. Le plan était si maléfique et si cauchemardesque que je n'ai pu fermer l’œil tant je pensais à ses implications. J'en ai été hanté tous les soirs.
Fondamentalement, l'armée israélienne a annoncé qu'elle revoyait sa position de ne pas autoriser l’entrée de nourriture et d'eau à Gaza. Pour cela, elle propose un nouveau plan pour éviter d'être accusée d'affamer la population et d’avoir à faire face à des accusations internationales au niveau juridique. Selon ce nouveau plan, la distribution de nourriture sera radicalement modifiée pour s'assurer qu'elle ne tombe pas entre les mains du Hamas. Au lieu de cela, Israël sera le seul à déterminer comment la nourriture sera distribuée une fois que son entrée à Gaza aura été autorisée, et qui pourra y avoir accès. Dans le passé, Israël a essayé de contrôler la quantité globale de nourriture autorisée d’entrer à Gaza et de calculer le nombre de calories nécessaires pour maintenir 2 millions de personnes « dans un alimentaire serré ». Maintenant, c’est le réseau de distribution lui-même qui est visé afin qu'Israël puisse contrôler pleinement toute l’alimentation.
Chaque famille aura un membre désigné et approuvé par Israël qui sera le seul à être autorisé à se rendre dans un centre de distribution spécial dans le sud de Gaza où des entreprises de sécurité remettront à ce représentant de la famille une boîte de nourriture soigneusement calibrée pour répondre aux besoins de la famille pendant quelques jours seulement. De cette façon, l'armée s’assurera qu'aucune nourriture ne soit stocké ou accumulée ou puisse aboutir dans la bouche d’une personne non approuvée par Israël. L'armée israélienne surveillera le périmètre du Centre de distribution, mais n'effectuera pas la distribution elle-même. Celle-ci sera assurée soit par des organisations internationales, soit par des sociétés de sécurité privées américaines ou arabes agissant sous le commandement d'Israël, et non pas de l'Autorité palestinienne, de l'UNRWA ou de toute autre organisation non approuvée et contrôlée par Israël. La nourriture ne sera pas distribuée de manière collective ou servie aux foules, mais seulement soigneusement distribuée dans des boîtes aux personnes autorisées de chaque famille à qui l’on permettra d’entrer dans le Centre de distribution et qui pourront ensuite faire le périlleux voyage vers le reste de la famille pour les nourrir, puis revenir pour un nouvel approvisionnement conçu pour ne permettre de survivre que quelques jours de plus. La justification est que de cette façon, la nourriture ne se retrouvera pas entre les mains du Hamas. Aucune mention d'eau ou de médicament n'apparaît dans le plan. L'article a mentionné que des sources arabes, qui étaient informées sur le plan ont exprimé leur scepticisme quant à la possibilité de le mettre en œuvre.
Depuis lors, d'autres détails ont été divulgués. Les organisations internationales ont publiquement critiqué le plan, déclarant qu'il utilisait la faim comme une arme et mettrait toute organisation qui allait coopérer dans une position qui allait servir les intérêts politiques d'Israël plutôt que de répondre aux besoins humanitaires.
Comme Israël a déjà reconnu qu'il ne pourrait pas éliminer le Hamas, ce plan sera en place pour une période indéfinie.
L'horreur de ce plan cauchemardesque ne m'a pas quitté l'esprit depuis que j'en ai entendu parler pour la première fois. Je suis assez familier avec l'utilisation cynique du régime de permis qu'Israël met déjà en oeuvre en Cisjordanie pour recruter des collaborateurs, soumettre la population et rendre le commun des Palestiniens totalement dépendants d'Israël et de ses agences de sécurité pour les besoins humains les plus fondamentaux comme se déplacer, travailler, se soigner, avoir accès à l'éducation, etc. Mais jamais auparavant le système n'a été utilisé pour contrôler et gérer à un niveau aussi basique la quantité de nourriture nécessaire à la population, non seulement collectivement mais même individuellement.
Rien que d'imaginer un tel plan n’est possible que dans un contexte dans lequel les Palestiniens sont privés de leur humanité, traités comme des « animaux humains » dont le comportement peut être contrôlé comme des chiens de Pavlov dans un laboratoire. Ceux qui ont conçu ce plan et qui le vendent à l'administration américaine ont déjà décidé qu'ils ne voulaient ni la paix ni la coexistence avec les Palestiniens, mais qu'ils voulaient soit les dominer soit les anéantir. Comme l'a dit un ministre israélien : ils auront le choix soit d'accepter notre suprématie, soit de quitter le pays pour ne jamais y revenir, soit de mourir. Ce seront les seuls choix qu'ils auront.
Un article récent a signalé que ce plan est activement mis en place, et des images satellites montrent qu'Israël prépare déjà une zone dans le sud de Gaza qui servir de lieu de distribution alimentaire pour ce projet. D'autres rapports indiquent que l'administration Trump a déjà été associée à la mise en œuvre de ce projet, qui sera bientôt annoncé par Trump comme une solution humanitaire majeure au problème de la faim à Gaza.
La seule question qui reste est la suivante : « Les États-Unis et le reste du monde permettront-ils que les choses se passent ainsi ? » Des agences internationales de développement ont déjà publiquement critiqué ce projet en disant qu'elles n’allaient en aucun cas coopérer avec lui. Mais Israël prévoit de « privatiser » l'ensemble du projet en faisant appel à des agences américaines de sécurité pour sa mise en oeuvre. La question qui reste et à laquelle chacun de nous devra répondre est la suivante : « Permettrons-nous que les choses se passent ainsi ? ».
Jonathan KUTTAB, directeur exécutif des Amis de Sabeel en Amérique du Nord - 9 mai 2025
Traduit par les Amis de Sabeel France.
La Communion des Églises protestantes en Europe (CEPE) se mobilise sur le thème « Église et démocratie ». C'est sur ce même thème que la Commission des Affaires Sociales, Politiques et Économiques de l'UEPAL proposera dès l'automne 2025 différents événements.
C'est indéniable, la démocratie se trouve grandement fragilisée dans le monde entier. Des régimes totalitaires la remplacent, même là où on la pensait bien ancrée. À côté de l'urgence climatique, s'invite l'urgence démocratique. Il nous faut penser et repenser notre vivre ensemble. L'Église n'a pas toujours défendu la démocratie. Elle a longtemps brillé par le mode autoritaire cherchant à réguler la vie des gens. Aujourd'hui, l'Église s'essaie à la synodalité, cultive l'attention aux précaires et renoue, ce faisant, avec le cœur de l'Évangile. L'affirmation de l'égale dignité de chaque être humain est un outil puissant face aux dictatures. En prônant le service et la solidarité, l'Église est instrument de justice et de paix.
Placer sa confiance en Dieu dans des temps troubles est un acte militant. Les discours de haine portés par les partis extrémistes s'inspirent du discours religieux, faisant de la foi chrétienne un enjeu d'identité contre des populations et croyants d'autres horizons. Quand les repères s'estompent, certains cultivent la nostalgie de l'ordre, sont tentés par l'autoritarisme et la figure charismatique d'un leader, d'une idole.
La paresse intellectuelle adhère aux solutions miracles. Exclure les étrangers suffirait à redresser la morale et l'économie. Ces thèses reposent sur l'ignorance et traduisent l'incapacité, pour beaucoup, de faire face à la complexité du monde.
Dire et parler
Être disciple du Christ signifie, plus que jamais, créer du lien et déconstruire les mécanismes de désignation du bouc émissaire. Les armes rhétoriques du débat politique font déjà des victimes. Dans les esprits s'installe l'idée que les étrangers, les personnes qui sortent de la norme sont à l'origine de tous les dysfonctionnements de la société.
La démocratie n'est pas une fin en soi, ce qui importe c'est de promouvoir des modes de gouvernance qui garantissent un vivre ensemble pacifique. Critiquer ceux qui gouvernent est facile. Acceptons de prendre notre part dans la manière de construire le quotidien, dans notre ville, dans notre pays, dans notre paroisse. S'engager c'est résister à la spirale du fatalisme et de l'inaction.
Il ne s'agit ni de vénérer ni de sacraliser la démocratie. Elle est faillible. Nous la défendons parce qu'elle fait place à l'altérité et a le souci de limiter son propre pouvoir. Les mandats des élus sont limités dans la durée, le débat contradictoire y est bienvenu. L'état de droit organise lui-même les contre-pouvoirs, gage de pluralisme, de justice et de liberté. Les thématiques sécuritaires pullulent et l'on sent bien que l'Europe n'est pas à l'abri d'un conflit armé. Un kit de survie sera envoyé prochainement aux citoyens français pour acquérir les bons réflexes en cas de pandémie, catastrophe naturelle ou conflit majeur. L'argent, en France et dans les pays qui l'entourent, va être injecté massivement dans la défense. Qu'avons-nous à dire ? Si ce n'est qu'investir dans l'école, la jeunesse et le social est un facteur majeur d'apaisement.
Face à l'angoisse, l'insatisfaction et le ressentiment qui nourrissent le vote extrémiste, nous avons, en tant que chrétiens, des atouts considérables à partager : la joie imprenable d'enfants qui se savent aimés de Dieu tels qu'ils sont, l'appel incessant à ne pas céder à la peur et l'espérance d'un Dieu plus fort que toutes les puissances à l'œuvre dans le monde.
Nous ne nous tairons pas parce que nous sommes héritiers d'une Parole qui invite à choisir la Vie.
Les gens qui se laissent séduire par des discours simplistes expriment leur désarroi, leur sentiment de ne pas être écoutés, leur sentiment de dépassement et d'abandon face à la multiplicité des enjeux. Offrons des gestes, des mots, des espaces communautaires pour accompagner nos contemporains dans l'accueil de la complexité du vivant et de la société. Notre défi majeur, dans un monde individualiste exposé aux dimensions planétaires, est de réenchanter le sentiment d'appartenance au même monde, de contribuer à l'élaboration du tissu social. Apprendre à coudre, recoudre, en découdre, patiemment, joyeusement, avec ce qui nous est donné.
Il s'agit, ni plus ni moins, de réapprendre à faire monde commun et de confier notre avenir au Dieu de Jésus Christ qui nous dit : « Que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, croyez en moi » (Jean 14, verset 1).
Isabelle GERBER
Pasteure, présidente de l’Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL).