Je pense souvent à Jean Calvin, j’ai bien des raisons de penser à lui.
Une de ces raisons, c’est l’affirmation que Dieu seul connait qui sont les siens (2 Timothée 22:19).
Que Dieu les connaisse, c’est simplement évident, mais qu’il soit le seul, c’est à proprement parler vertigineux. Car ainsi rien de ce que fera une Église, prières, cultes et solennités… ne lui permettra jamais d’avancer vers cette connaissance qui n’appartient qu’à Dieu, maintenant depuis toujours et pour toujours.
Ce commencement de réflexion nous fait arriver à une autre raison de penser à Jean Calvin. Une raison dont il lui est souvent fait reproche, la doctrine de la double prédestination : Dieu sait depuis toujours, c'est-à-dire dès avant la fondation du monde (Matthieu 25:34), qui sont ses élus, et qui sont les réprouvés.
Quoi que l’être humain fasse, il ne pourra rien changer au sort que Dieu lui a déjà choisi, l’éternelle béatitude ou l’éternel tourment.
Chaque fois que ce sujet est abordé, ce sont les mêmes protestations qui reviennent. « A quoi bon faire tout ce que nous faisons de bon dans notre vie humaine, si tout est décidé d’avance ? »
Et bien cela relève de la connaissance de Dieu, qui est Dieu.
Et là Jean Calvin, avec un brin d’humour, fait remarquer que ceux qui s’aventurent sur ce terrain risquent de n’y rien trouver de ce qu’ils recherchent, et risquent surtout d’attraper des maux de tête.
En fait, dans la pensée du 16ème siècle, lorsque l’être humain croyait en un au-delà béatifique ou infernal, et œuvrait sa vie durant pour mériter son paradis, la doctrine de la double prédestination était une prédication libératrice. Et ne pas savoir était synonyme de liberté.
Je pense ici très fort à lui : quelqu’un veut-il de cette liberté-là ?
Luther, avant Calvin, avait déjà repéré que, même chez certains de ses amis Réformateurs, cette liberté que donne la grâce seule était une ouverture à la vie tout simplement insupportable.
La servitude est plus facile à vivre que la liberté, nous le savons depuis le livre de l’Exode.
Si je pense encore à Jean Calvin après tout ça, c’est pour me dire que la doctrine de la double prédestination a aujourd’hui une conséquence que je trouve belle.
Elle supprime tout commerce avec Dieu.
Elle supprime toute image possible d’un Dieu commerçant.
Elle fait ainsi entrer le croyant dans sa majorité : penser et agir librement, et en répondre.
L’initiative est aux croyants.
Pasteur Jean Dietz
Je pense souvent à Martin Luther. Il y a plein de bonnes raisons de penser à lui. L’une, c’est l’Appel à la noblesse chrétienne de la nation allemande pour la réforme de l’état chrétien. Le titre est long, le texte date de 1520. On y trouve un projet de société basé sur l’égalité de tous devant la loi, du plus petit au plus grand. Et c’est de ce projet stupéfiant que jaillira l’idée du sacerdoce universel des croyants tous ensemble.
Je pense souvent à lui qui inspira son ami et collaborateur Philippe Melanchthon, rédacteur et défenseur de la Confession d’Augsbourg et de l’Apologie. Septième article : L’Église est présente là où l’évangile est purement enseigné et les sacrements droitement administrés. En une seule phrase il y a ce qui est peut-être le cœur de toute la Réforme. L’Église n’y relève pas de la soumission à un pouvoir pyramidal, mais du commun accord des fidèles. Bien sûr il faut s’entendre sur les adverbes ‘purement’ et ‘droitement’, mais nous ne sommes pas démunis. Lisez ce qui suit.
Je pense souvent à Martin Luther et à l’expérience personnelle qu’il relate, celle d’un homme qui cherchait en l’Évangile comment soulager craintes et angoisses et qui, tout à coup, vécut une sorte d’illumination en comprenant qu’en l’Évangile tout est grâce, et que c’est gratuitement que Dieu sauve. Il semble que sa méditation de Romains 1,16-17 ait été décisive sur ce point. L’adverbe ‘purement’ et l’adverbe ‘droitement’ prennent ici le sens de ce qui est gratuit.
Je pense à lui qui ne cessa jamais de veiller et de ferrailler pour que ce message bouleversant ne se perde pas, ne soit pas rabattu sur des obligations qui reviendraient s’imposer à ces chrétiens que la grâce divine aurait pourtant libérés. Oui, c’est par grâce seule que Dieu sauve, et non, l’homme ne peut en aucun cas contribuer à son propre salut.
Je pense à Martin Luther qui, pour que le message passe, écrivit deux catéchismes, l’un à destination des fidèles, l’autre à destination des catéchètes. Et qui fut aussi un commentateur infatigable et inspiré des Saintes Écritures, irremplaçable commentaire de l’Épître aux Galates, entre autres.
Enfin, je pense à lui dont l’un de mes maîtres disait qu’il est le seul protestant qui pourrait être canonisé. Un autre maître nous disait que chacun devrait lire le traité De la liberté du chrétien (1520) au moins une fois… par an.
Pasteur Jean Dietz